Hitoire(s) LE BOUQUIN
Jean-Pierre, échantillons de souvenirs
En faisant les comptes et mettant toutes les périodes de présence bout à bout j'ai passé environ 10 mois à Aïn el Beranis et rarement plus d'un an dans les différents domicile familiaux (sauf Elven et, Sceaux). Je choisis un échantillonnage de souvenirs dans chacun des lieux de vie principaux.
Elven été 1944:
Je donne la main à maman et nous, avec tous les habitants du village nous marchons en procession, drapeaux en tête et chantant la Marseillaise, vers la tombe de 3 jeunes voisins de moins de 20 ans fusillés la veille par les allemands parce qu'ils avaient été surpris hors de chez eux après le couvre-feu.
Quelque semaines plus tard, au cours desquelles des petits drapeaux piqués sur des cartes symbolisaient la progression des alliés, la rumeur s'enfle: 'ils arrivent', mais les allemands résistent et bientôt on se bat sur la place du village, des projectiles s'écrasent sur la façade de la maison. A l'occasion d'une accalmie, avec quelques voisins, nous sortons et quittons le village par les chemins de traverse, direction Bodelven puis Melenec où nous passons la nuit dans la paille. Le lendemain il semble plus prudent de s'éloigner davantage, nous prenons la route de Larré.
Au loin, une colonne de fumée noire s'élève au dessus du village, à ce qu'il semble près de la place de l'église à l'endroit approximatif de la maison, qu'allons nous trouver à notre retour?. Quand il a été possible de revenir, soulagement, c'était un camion de carburant allemand qui avait brûlé dans la rue à moins de 50 mètres de chez nous deux maisons latérales sont détruites mais la nôtre intacte.
Sceaux 1945
Paradoxalement, je n'ai pas de souvenir précis du retour de captivité de papa, si ce n'est celui d'un homme assis dans le coin de la salle à manger du 19 rue de Bagneux, un calot sur la tête (Je pense que c'était dans la nuit, que je dormais et que l'on m'avait réveillé pour l'occasion). Ce qui me semble bizarre, c'est que je le revois seul sur sa chaise, alors que la rumeur familiale veut que j'aie demandé: 'Qui est ce monsieur avec maman?' Malgré l'importance de l'évènement je ne peux absolument pas me souvenir de détails précis.
Mostaganem 1946
La plage des Sablettes est un lieu que j'aime bien (je suis à l'âge des châteaux de sable) mais le soleil d'Algérie est redoutable, et je rentre à la maison le dos et les épaules bien rouges. Cela ne m'empêche cependant pas de prendre ensuite une bonne suée en faisant de la trottinette dans le jardin public. Résultat, le lendemain je suis au lit avec de la fièvre, les brûlures se sont infectées. J'en serai quitte pour quelques jours sans école, couché sur le ventre, le dos à vif, couvert de compresses au bleu de méthylène.
Harmela 1947
Nous sommes bien isolés et sans moyen de transport, le premier magasin à Trézel est à plus de 10Km. Pour nous désenclaver, papa trouve une carriole à cheval (je ne sais plus s'il l'avait achetée ou empruntée) et nous voilà partis pour le village. Mais le cheval ne l'entendait pas de cette oreille, il était habitué à la monteet non à l'attelage. Au bout de quelques kilomètres, une bonne ruade, et il réussit à casser son harnais et le voilà parti alors que la carriole bascule sur ses brancards. Heureusement pour nous plus de peur que de mal.
Aflou 1949
Il fait nuit, papa est parti en tournée et nous l'attendons. Le revoilà mais la tête couverte de sang. Il avait surpris un groupe conduisant des ânes chargés de charbon de bois et entrepris de les verbaliser. Mais de complices l'ont pris par derrière et à moitié assommé avec leurs bâtons avant de se sauver, emportant en même temps son mousqueton. Il en a gardé quelques cicatrices sur le cuir chevelu, mais c'est le vol du fusil qui lui a certainement causé le plus de soucis auprès de l'administration.
Alger 1951
L'atmosphère du collège est spéciale, durant les petites vacances, il ne reste que quelques élèves dont les parents habitent trop loin pour qu'ils rentrent chez eux. Il n'y a plus de discipline stricte et les divisions 'minots, moyens et grands' sont abolies les 3 cours sont ouvertes et le réfectoire commun. A la Toussaint et mardi gras, nous restons à Alger, mais à la Pentecôte nous allons au bord de la mer dans une maison appartenant au collège. L'absence de divisions fait que l'un des 'grands' (Alain Di Meglio, il devait être en première et moi en sixième) me prend sous son aile jouant un peu le rôle d'un grand frère. Mais l'année suivante, une épidémie de grippe espagnole frappe Alger n'épargnant pas le collège, et Alain est mort à l'infirmerie.
Aïn el Beranis été 1953 (ou 54)
La nuit est tombée mais pas la chaleur, elle est intenable. Un incendie de forêt s'est déclaré à plusieurs kilomètres mais la maison en est sous le vent, et papa est bien sûr parti sur les lieux de l'incendie. Pour essayer d'atténuer un peu la chaleur nous tentons de jeter des bassines d'eau sur les murs extérieurs de la maison. Pour compliquer les choses, Yves pleure et semble se plaindre des oreilles. Le lendemain papa n'est toujours pas rentré, maman se décide donc de prendre la voiture seule pour aller à Saïda voir le docteur. Finalement ce n'était pas une otite mais il avait de la terre et des débris végétaux dans les oreilles. (Mes souvenirs m'ont trahi je ne sais plus s'il s'agissait de Yves ou de Bertrand)
Paris décembre 1955
Pendant les vacances de Noël je partage la chambre de Jean-Claude boulevard Mortier (Elle est extérieure à la loge et on y va en passant par la cour). Nous venons tous les deux de faire notre premier trimestre dans le technique, avec des premières difficultés en atelier d'ajustage: dresser, à la lime, deux faces rigoureusement planes et parallèles sur une pièce métallique (essayez pour voir). Joseph nous installe deux étaux dans la chambre et nous passons une partie de notre temps à l'exercice.
Lyon février 1956
La Saône charrie des glaçons puis se fige pour de bon avec un bon mètre d'épaisseur. Le thermomètre affiche -23°, le vent cingle te ma garde robe algérienne n'est pas bien conséquente. Outre le fait que inscrit tardivement et sans place en dortoir, je loge sur l'autre rive à 1Km de l'internat, les salles de classe de l'école sont dans une annexe à 20 bonnes minutes de marche. Il faut donc aussi faire le trajet 4 fois par jour (brrrrr). Il aura fallu 3 semaines pour voir enfin arriver la débâcle.
Yenne fin décembre 1956
Tout de suite après l'annonce du décès de papa, Joseph, Micheline et Yvette sont venus à Yenne, leur séjour terminé, il faut raccompagner Joseph et Micheline au train à Culoz ou Bellegarde. La route est enneigée et au retour maman fait une embardée, voiture dans le fossé en contrebas avec le train avant faussé et des dégâts de carrosserie. Nous revenons à Yenne avec la dépanneuse. Et c'est monsieur Combes (le propriétaire d'une petite filature) dont je me souviens encore de la réflexion: 'je n'aurais jamais dû vous laisser partir comme cela' qui réglera la facture et se chargera de trouver un chauffeur qui quelque jours plus tard nous conduira tous en région parisienne.
Sceaux 1958
Enfin externe, je peux avoir des activités extérieures, au moins la chorale et la danse folklorique. Mais ce qui devait arriver... j'y ai rencontré Lucile. Assez vite nous avons pris l'habitude que je la raccompagne jusqu'à l'arrêt de bus à la gare de Robinson. Maman a alors eu l'idée de proposer à une amie qui avait une nièce un peu simplette de l'inscrire à la danse folklorique, 'Jean-Pierre l'emmènera et la ramènera aux Blagis'.Heureusement j'avais un copain (Charles Duchaussois) qui y venait aussi. Nous nous sommes vite arrangés pour que ce soit lui qui ramène le chaperon.
Jean-Pierre, mai 2013
Maryvonne
Au plus loin que je me souvienne, c’était Aflou. Il faisait chaud, très chaud.
Un jour, maman devait sans doute aller faire une course.
Elle est partie à bicyclette… moi, désespérée qu’elle ne m’emmène pas avec elle, j’ai l’ai suivie, courant, pleurant et serrant ma poupée dans les bras… « Maman, Maman ! » et quand à bout de souffle je suis rentrée, je me suis aperçu que ma poupée avait perdu un des souliers.
Ce devait être en 1950, la famille a déménagé d’Aflou à Ain-el-Béranis. Sur la benne d’un camion, nos affaires étaient retenues par une corde. Nous, nous suivions en voiture à cheval… su un chaos la table ronde pour enfant s’est détachée et est tombée parterre… elle s’est fendue en deux. Et depuis elle a gardé cette cicatrice.
Bernadette et moi, Nous allions à l’école de Balloul. C’était à huit kilomètres de la maison, sur la route de Saïda, chemin que nous parcourions en autocar. Je me souviens du chauffeur : il était gros et portait un fil de cuivre à travers l’oreille… peut être pour prévenir les rhumatismes ? en tous les cas, c’est ce que j’ai toujours cru.
Nous emportions chaque jour notre pique-nique que nous mangions dans la classe avec Jean-Claude Huertas, notre voisin.
Un jour maman nous avait préparé une salade avec pour l’assaisonner, un petit flacon de vinaigrette… flacon que je secoue si énergiquement que le bouchon saute et catastrophe : la sauce se répand sur le cahier resté ouvert sur le bureau derrière nous ! Tremblantes, nous le cachons dans son casier… ce qui nous a valu une fameuse enguelade l’après-midi,à la reprise de la classe.
Un autre jour, Monsieur Roversi,- instituteur de l’unique classe de 50 élèves allant du CP au certificat d’étude primaire – avait apporté une magnifique théière en faïence de Quimper, pour la leçon de vocabulaire, … elle était posée sur une petite table… Ce jour-là pendant l’heure du déjeuner, toujours tous les trois, nous jouons à chat… et nouvelle catastrophe, Jean-Claude cogne la table et théière se retrouve par terre fracassée en mille morceaux… Cette fois-ci Bernadette, sans doute la plus vaillante, va frapper à la porte de chez Monsieur Roversi pour dire que c’était Jean-Claude l’auteur du drame… mais c’est tous les trois qui avons été punis.
Monsieur Roversi a un jour acheté une voiture, une 2CV, voiture bien spéciale et reconnaissable entre toutes. Alors toutes les 2CV sont devenues des « Roversi » et cela pendant des années…
Papa partait de temps en temps en tournée de deux ou trois jours. Il nous ramenait de temps en temps une boite de crème de marron… pour cela, nous les enfants, nous aimions ces jours d’absence. Et moi j’aime toujours la crème de marron.
Un jour il me ramena un tout petit lapereau tout tremblant. Je l’ai cajolé pour le rassurer. Nous lui avons fabriqué un petit enclos recouvert d’un grillage et donner quelques feuilles de salade. Mais Baguera, le chat guettait. Sitôt éloignée, il bondit, démolit l’enclos et s’enfuit avec le petit lapin dans la gueule. Je crie, je pleure… Papa qui devait bricoler un peu plus loin, lance son marteau sur le chat, sans l’atteindre. Ainsi finit tragiquement mon petit lapin.
Je me souviens des étés torrides… l’expression « un soleil de plomb » est pour moi très concrète : Une chaleur pesante, massive, écrasante qui vous empêche de bouger.
Cet été particulièrement chaud, des incendies immenses ont éclatés sur les collines alentours. Ces incendies ont duré plusieurs jours… Les nuits étaient toute illuminées et la chaleur suffocante. Pour rafraîchir un peu l’atmosphère et nous permettre de dormir, maman arrosait à grandes eaux les murs de la chambre.
Jean-Pierre notre grand frère, me paraissait tellement grand qu’il m’impressionnait un peu. Au moment des vacances, se retours étaient toujours une fête. On aimait ouvrir sa valise… espérant y trouver des cadeaux ou quelques autres trésors.
Je devais avoir 6 ou 7 ans quand pour Noël j’ai eu mon premier vélo. Une bicyclette rouge sombre, grenat, de la marque « Peugeot ».
Jean-Pierre lui aussi avait un vélo, c’était peut-être celaui de main ? Il a eu l’idée de fixer des morceaux de carton avec des épingles à linge sur le cadre de nos vélos, de manière à ce qu’ils frottent contre les rayons des roues arrière… et nous avions ainsi des mobylettes pétaradantes !
C’était le 21 mai 1955, Papa nous a demandé de mettre nos plus beaux habits… des robes pour les filles, des barboteuses pour Yves et Bertrand, que maman nous avait cousus dans le même tissu en rayonne blanche à fines rayures rouges (1). Et nous sommes partis à l’hôpital de Saïda, faire la connaissance de notre nouveau petit frère : Hubert. Maman nous a souvent redit par la suite, que de nous voir arrivés tous les quatre aussi propres et bien mis était un de ses plus beaux souvenirs.
(1. Tissu que je revois très bien car plus tard maman nous fait des habits de poupée dans les chutes. Et aujourd’hui, c’est Rosalie, Imanol et Siméon qui jouent avec !)
Je me souviens du jour où, on est venu blinder les portes de la maison… des énormes portes de métal avec de gigantesques verrous. Nous les enfants, cela nous amusait. Mais papa disait que cela ne servait à rien : « Celui qui voulait entrer, n’avait qu’à passer par le grenier ! »
Puis les jours sombres sont arrivés.
Je me souviens des parents soucieux qui se réfléchissaient entre eux, disant que Bernadette et moi nous ne pourrions plus continuer à aller à l’école, qu’il nous fallait rentrer en France et habiter chez Pépé et Mémé… Je me souviens que Maman nous a expliqué les choses. C’est alors qu’elle nous a révélé le secret de famille : « Yvette, était la fille de le tata Lulu… »A Oran, nous avons pris le bateau, toutes les deux, comme deux grandes. J’avais 9 ans et demi et Bernadette deux de moins. Nous voilà embarquées toutes les deux seules sur ce grand bateau blanc, confiées aux autres voyageurs. Tout le monde s’occupait de nous. Dans le grand salon du paquebot, des gens nous a offert des parties de petits chevaux. C’était des énormes chevaux de bois sur un immense damier.
A Marseille, des religieuses nous attendaient sur le port. Pour qu’elles nous reconnaissent Maman avait cousu des brassards jaunes et rouge sur la manche gauche de nos anoraks. Puis elles nous ont mises dans le train. Ce fut un très long voyage. Pépé et Mémé nous attendaient sur le quai de la gare de Lyon, à Paris.
La suite est beaucoup moins drôle.
avril 2013
BERTRAND
Les fruits défendus
ou jeux interdits pour petits malappris,
Bertrand
A l’orée d’un village en Bretagne profonde,
Vivait une famille aux nombreux rejetons,
Ils logeaient au « château », venant d’un autre monde
Découvrant la campagne vierge de tout béton
Débarquant de la ville, leur mère prit option
De choisir l’espace et la vie au grand air
Cela valait surtout pour ses trois furibonds
Les deux sœurs plus sages complétaient l’inventaire
Du haut de leur palais appelé Doué aux Merles,
Ils apprécièrent très vite les nombreux avantages
Qu’offrait le grand jardin, et telle de rares perles
Les bois, et les marais, et les verts pâturages
Imaginez un pré sur un coteau pentu
Habillé de verdure, de pommiers vigoureux
Entouré d’un bocage aux frondaisons touffues
Au soir d’un automne qui vous rend si heureux
En bas de la prairie, une haie d’aubépine
Cach’ de tout regard une grande maison
Qu’occupe la famille de leur proch’ voisine
Qui bientôt connaîtra le pire des affronts
Cette brave mégère tient lavoir en ses lieux
Et comm’ la mère Denis, en ces temps reculés
Y battaient,et lavaient,leur linge, nos aïeux.
La voisine en était la gardienne agréée
A elle revenait la charge d’assurer
Une eau propre et limpide à toute lavandière
Qui alors en retour devait la rétribuer
Faisant ainsi commerce de fort simple manière
Les eaux de son lavoir reposaient mollement
Juste derrière la haie du pré en haut cité,
Ses clientes rentrées, chez elles tranquillement
Chargées de leur lessive à pleine brouettées.
Et la voilà partie sans doute pour quelque achat
Sur sa vieille bicyclette tout droit vers le village.
Laissant pour quelque instant, sa maison et son chat
Ignorant tout encore du futur carnage
Car de l’autre côté, sous les arbres fruitiers
Dont les pommes bien mûres tapissaient l’herbe verte,
D’infâmes garnements hourdaient en flibustiers
Quelque sombre complot concourant à sa perte.
Certes, c’est beaucoup dire que de parler ainsi
Leur acte inqualifiable ne pouvait la ruiner
Mais l’on verra bientôt que ces trois abrutis
De bêtise évidente allait bien la peiner
Profitant de l’absence de sa propriétaire,
Nos larrons en furie se mirent à l’ouvrage
Et ramassant les fruits les plus pourris par terre
Visèrent le lavoir dans le plus grand tapage
Ils mirent rude énergie à satisfaire leur jeu
Et bientôt sur les ondes flottèrent un peu partout
Les fruits de leur forfait honteux et outrageux,
Ce spectacle affligeant les amusant beaucoup
Les munitions hélas vinrent alors à manquer.
Et nos trois chenapans cessèrent leurs lancers.
Mais le mal était fait, et les eaux bien polluées.
Un tapis de reinettes couvrait les eaux calmées
Ils ne se vantèrent point de leur stupide exploit
Les auteurs étaient là, faciles à démasquer.
Personne d’autr’ alentour n’eut pu pour cette fois
Commettre telle faute sans se faire remarquer
Ils étaient donc coupables et sans le moindre doute
Il fallut donc attendre dans une certaine angoisse,
Le retour de madame, pédalant sur la route
Et de l’ire maternelle, il leur fallut faire face.
Vous raconter la suite, certes, serait délectable,
Mais comme se trouv’ ici l’un des trois mousquetaires
Qui fit mouche ce jour, soyez donc charitable,
C’est lui-mêm’ qui vous narr’ cette aventure fruitière
Il sied à tout conteur qui veut de l’assistance
Retenir l’attention, savoir conclure enfin
Sans tomber dans l’emphase ou dans l’exubérance
Conclure son écrit tout en alexandrins.
Hubert
Mon Histoire
Mon histoire, la mienne, celle qui raconte mon histoire, celle où je dis « je » commence sans moi. C’est d’abord l’histoire des autres. Et je décide de la faire commencer sur un bateau. C’est un peu risqué de la faire commencer sur un bateau. Elle risque le tangage et le naufrage, mais elle promet aussi d’aborder sur des rivages inconnus, sur quelqu’île au trésor.
Il s’appelle Henri, elle s’appelle Geneviève. Ils ne s’appellent pas encore l’un l’autre. Qu’est-ce qui a pu séduire la jeune parisienne fragile chez ce jeune breton timide ? Le regard clair ? Le corps robuste et noueux de paysan ? L’uniforme militaire ? Qu’est-ce qui a plu au jeune homme chez cette jeune fille ? Cet air fragile et inquiet ? Cette légèreté grave enveloppée dans une robe lumineuse qui vole au vent du large ? Comment se sont-ils abordés ? Ce qu’on été les premiers mots échangés, les premiers regards ? Quelqu’un peut-il le raconter ?
Il s’en revenait de permission militaire de chez ses parents, à Elven du Morbihan. Il avait fait les foins avec ses frères et sœurs : Joseph et les autres. Le visage encore tout ensoleillé. La ferme était trop petite pour les employer tous et il avait du s’engager dans l’armée, peut-être par goût de l’aventure, certainement par nécessité.
Elle s’en allait voir son frère Pierre, celui qui avait osé l’exil au Maroc pour faire fortune. Elle avait pris quelques semaines de congés de son emploi de secrétaire. Ils y avaient droit depuis 36. Elle avait quitté le petit pavillon de banlieue en haut de la rue
Une traversée de Marseille à Rabat cela dure peut-être 48 h. Le temps de s’approcher, d’échanger quelques paroles – elle aimait bien ce verbe « échanger » -, et finalement jusqu’à une promesse de se revoir.
Et quelques temps plus tard, celui de se dire les choses qui comptent pour la vie, on célébra le mariage dans l’Eglise Saint Stanislas toute neuve des Blagis (construite en 1936). Ses parents à elle n’étaient peut-être pas ravis de cette alliance avec ce fils de paysan. Ceux de Bretagne sans doute un peu perdus dans ce milieu de petite bourgeoisie parisienne où s’en allait leur fils. Qu’importe ! Elle était femme libre et décidée. Elle était amoureuse. Peut-être pas autant que lui qui avait quitté terre, père et mère, était parti pour la grande aventure. Ils entraient dans l’Eglise traversant la haie d’honneur des guides de la paroisse, lui dans son uniforme brun de militaire, la taille sanglée, elle dans sa longue robe blanche de mariée et sa trainée qui glisse sur les escaliers du parvis de l’Eglise.
Puis ce sera le retour au Maroc et la vie de caserne à Meknès (il me semble). La France est encore cet empire colonial. Et en 1939 Jean-Pierre, le premier fruit de l’amour conjugué l’un par l’autre, l’un avec l’autre. Et s’enchainent les grands évènements du monde qui emporte dans leurs flots les histoires des petits. La guerre et son flot d’exil et de réfugié. Elle s’en ira avec le petit vivre et découvrir la vie paysanne à Elven, tandis que lui, pris dans la débâcle de Dunkerque s’en ira pour cinq longues années grossir les prisons de guerre d’Allemagne.
Temps d’épreuve où s’épure le désir dans l’attente d’une lettre, d’un colis, qui voudraient pouvoir tout dire, tout livrer de soi-même, de la douleur de l’attente, mais où l’on se réserve dans les mots pour ne pas trop faire du mal à l’autre en lui disant son propre mal : « Tout va bien pour nous, tes parents s’occupent bien de nous. Ils m’ont donné une chambre. Il fait beau temps. Jean-Pierre dit ses premiers mots. Il grandit. Il est beau… je t’aime… » « Tout va bien pour nous, je me suis fait des bons amis parmi les prisonnier de guerre comme monsieur Allard. Nous avons tout ce qu’il nous faut mais tes colis améliorent tout de même bien l’ordinaire. Et tes lettres me donnent bien du courage… Je t’aime...».
1945 ! Et les retrouvailles quelque part à la gare de l’Est. Il a bien maigri, elle a pris un petit pli de soucis au front. Ils se retrouvent comme aux premiers jours, intimidés l’un par l’autre, un peu gauche. Mais il y a le petit qui découvre son père et le père qui découvre son enfant, le petit qui capte désormais les regards et l’attention, qui se glisse entre eux deux et donne la main à l ‘un et à l’autre de chaque coté. Le petit qui les réunit de nouveau.
Mais il ne suffit pas. Dès que possible arrive le deuxième enfant. Et c’est une fille de la mer et du soleil de Mostaganem où ils sont partis désormais vivre et s’encaserner de nouveau. Maryvonne : un nom de Bretagne et d’Evangile.
Devant la petite famille s’ouvre les grands espaces de l’Algérie, une terre belle, pleine de promesse. Et si on s’installait ici. Il y a du travail, il y a du bonheur. Alors ils quittent l’armée et le paysan retrouve un peu son univers familier : la vie au grand air, en pleine campagne. Les bêtes, le cheval, la volaille, le jardin autour de la maison forestière. Car désormais il sera forestier avec le képi des gardes. Toujours l’uniforme mais les soldats sous ses ordres seront les pins d’Alep qui couvrent la forêt du djebel d’Harmela où ils ont été affecté. Harmela, un beau paysage pour concevoir une vie. Alors Bernadette vient au monde. On est loin de la ville de Tiaret où il y a l’hôpital tout neuf. Il faut seller le cheval et apprêter la charrette pour emmener au plus vite la mère dans les frimas de cette fin du mois de mars 1948. Peut-être y a-t-il encore de la neige fréquente sur les hauts plateaux du Sersou en cette saison. Bernadette arrive le premier avril comme une bonne blague, comme un poisson qu’on veut bien croire, comme un rire de printemps. On a jute le temps de rentrer à la maison qu’il faut repartir. Un conflit avec l’ingénieur des eaux et forêts, une histoire de cheminée construite par le père dans la maison sans autorisation de l’administration provoque une nouvelle affectation plus au Sud quasiment dans le Sahara. Aflou, et ses austérités désertiques couvertes d’alfa, ses bergers nomades et leur kheima et leur troupeau de moutons. Il y a bien là quelques arbres qui justifient la présence d’un garde forestier. L’aîné va à l’école. On le voit sur les photos, seul parmi les « indigènes » musulmans ou juifs ces derniers étant nombreux à Aflou.
Le climat est rigoureux sur ces plateaux pelés qui culminent à 1200 m d’altitude, couverts de neige et tremblant de chaleur l’été, sans demie mesure. La violoniste parisienne, qui aime pourtant la vie à la campagne ne semble pas trop s’y plaire - Parce que j’avais oublié de dire que selon une certain légende familiale qui ne repose peut-être que sur mes souvenirs enclins à un certain romantisme, Geneviève avait joué du violon dans un orchestre de chambre -. Aflou est loin de tout. La grande ville la plus proche Laghouat est encore plus au sud. C’est là que la famille se lie avec le père Husson, un père blanc qui dessert la paroisse de Laghouat. L’expérience d’Aflou ne dure pas plus d’un an. Ici le couple ne fera naître aucun enfant comme si la terre était trop ingrate pour qu’ils puissent même concevoir de concevoir.
Les trois qui doivent encore venir attendront que la famille s’installe à Aïn El Béranis, dans la Wilaya de Saïda. Ce sera cependant sans Jean-Pierre qui s’en ira en pension à Notre Dame d’Afrique d’Alger chez les jésuites pour continuer sa scolarité. Alger est loin, il faut à l’époque sans doute au moins une journée de voyage. L’enfant ne rentre d’exil dans la maison de famille que tous les trimestre pour les vacances un peu importantes.
Yves, Bertrand et Hubert, arriveront régulièrement tous les deux ans dans cette période qui va de 1951 à 1955. Bertrand était pressé de vivre à l’air libre et naîtra à la maison forestière et comme il a décidé très tôt de ne pas faire comme tout le monde il sortira du ventre maternel en montrant d’abord son derrière. De Bernadette devenue sage-femme (bien plus tard) j’apprendrais que cela s’appelle naître par le siège. .. (à suivre)
Hubert, Orgérus 19 mai 2013
NOM |
Prénom |
J |
M |
A |
parents |
lien rattachement |
branche |
Reignier |
Lucile |
10 |
5 |
1938 |
Lucienne et Camille |
J-Pierre |
a |
Le Bouquin |
Jean-Pierre |
29 |
9 |
1939 |
Geneviève et Henri |
|
a |
Sénéchal |
Florence |
|
|
1961 |
|
Philippe |
aa |
Le Bouquin |
Philippe |
9 |
12 |
1963 |
Jean-Pierre et Lucile |
|
aa |
Le Bouquin |
Antoine |
17 |
1 |
1991 |
Philippe et Christine |
|
aaa |
Le Bouquin |
Julien |
6 |
5 |
1995 |
Philippe et Christine |
|
aab |
Le Bouquin |
Laurence |
19 |
12 |
1964 |
Jean-Pierre et Lucile |
|
ab |
Madec |
Anne |
4 |
4 |
1966 |
Andrée et Claude |
Yannick |
ac |
Le Bouquin |
Yannick |
14 |
2 |
1967 |
Jean-Pierre et Lucile |
|
ac |
Le Bouquin |
Brewal |
23 |
8 |
1994 |
Yannick et Anne |
|
aca |
Le Bouquin |
Oregan |
17 |
11 |
1995 |
Yannick et Anne |
|
acb |
Le Bouquin |
Awena |
10 |
9 |
1998 |
Yannick et Anne |
|
acc |
Damamme |
Marie |
16 |
11 |
1970 |
Marie-Elisabeth et Philippe |
Renaud |
ad |
Le Bouquin |
Renaud |
18 |
11 |
1970 |
Jean-Pierre et Lucile |
|
ad |
Le Bouquin |
Etienne |
21 |
1 |
1997 |
Renaud et Marie |
|
ada |
Le Bouquin |
Mathilde |
31 |
12 |
1998 |
Renaud et Marie |
|
adb |
Le Bouquin |
Baptiste |
25 |
8 |
2001 |
Renaud et Marie |
|
adc |
Caillaux |
Jean-Claude |
25 |
9 |
1942 |
Jacques et Marie-Magdeleine |
Maryvonne |
b |
Le Bouquin |
Maryvonne |
19 |
1 |
1946 |
Geneviève et Henri |
|
b |
Caillaux Le Bouquin |
Nathanaël |
30 |
3 |
1978 |
Maryvonne et Jean-Claude |
|
ba |
Lacour |
Emilie |
8 |
5 |
1980 |
|
Nathanaêl |
ba |
Caillaux--Lacour |
Imanol |
27 |
12 |
2009 |
Nathanaël et Emilie |
|
baa |
Caillaux |
Siloë |
6 |
4 |
2012 |
Nathanaël et Emilie |
|
bab |
Caillaux Le Bouquin |
Grégoire |
23 |
4 |
1979 |
Maryvonne et Jean-Claude |
|
bb |
Bartoli |
Cécile |
7 |
3 |
1980 |
|
Grégoire |
bb |
Caillaux |
Rosalie |
17 |
1 |
2009 |
Grégoire et Cécile |
|
bba |
Caillaux |
Siméon |
19 |
7 |
2011 |
Grégoire et Cécile |
|
bbb |
Caillaux Le Bouquin |
Timothée |
2 |
12 |
1980 |
Maryvonne et Jean-Claude |
|
bc |
Chauvat |
Pauline |
17 |
9 |
1983 |
|
Timothée |
bc |
Sparfel |
Vincent |
22 |
9 |
1981 |
|
Priscille |
bd |
Caillaux Le Bouquin |
Priscille |
9 |
4 |
1983 |
Maryvonne et Jean-Claude |
|
bd |
Legou |
François |
13 |
7 |
1984 |
|
Violaine |
be |
Caillaux Le Bouquin |
Violaine |
22 |
5 |
1984 |
Maryvonne et Jean-Claude |
|
be |
Litoux |
Bertrand |
8 |
7 |
1946 |
Annette et René |
Bernadette |
c |
Le Bouquin |
Bernadette |
1 |
4 |
1948 |
Geneviève et Henri |
|
c |
Litoux Le Bouquin |
Emmanuel |
12 |
11 |
1972 |
Bertrand et Bernadette |
|
ca |
|
Isabelle |
5 |
1 |
1974 |
|
Emmanuel |
ca |
Litoux |
Sinead |
7 |
9 |
2006 |
Emmanuel et Moïra |
|
caa |
Litoux |
Grégoire |
15 |
6 |
2013 |
Emmanuel et Isabelle |
|
caa |
Litoux Le Bouquin |
Karine |
4 |
7 |
1976 |
Bernadette et Bertrand |
|
cb |
Lemercier |
Cécile |
25 |
1 |
1976 |
Karine Cecile |
Karine |
cb |
Litoux le Bouquin |
François-Xavier |
4 |
7 |
1976 |
Bernadette et Bertrand |
|
cc |
Lemercier |
Fanny |
5 |
3 |
1979 |
|
François-Xavier |
cca |
Litoux |
Emma |
24 |
4 |
2011 |
FX Fanny |
|
cca |
Philippe |
Gildas |
30 |
9 |
1975 |
|
Sandra |
cd |
Litoux Le Bouquin |
Sandra |
4 |
7 |
1976 |
Bernadette et Bertrand |
|
cd |
Philippe Litoux |
Marion |
8 |
5 |
2002 |
Gildas et Sandra |
|
cda |
Philippe Litoux |
Margot |
7 |
10 |
2005 |
Gildas et Sandra |
|
cdb |
Philippe Litoux |
Louison |
1 |
10 |
2008 |
Gildas et Sandra |
|
cdc |
Philippe Litoux |
Hippolyte |
6 |
1 |
2012 |
Gildas et Sandra |
|
cdd |
Le Bouquin |
Yves |
25 |
6 |
1951 |
Geneviève et Henri |
|
d |
Gourjux |
Janette |
20 |
6 |
1953 |
Léontine et Johanny |
Yves |
d |
Le Bouquin Gourjux |
Jean-Baptiste |
4 |
1 |
1980 |
Yves et Janette |
|
da |
Lagabrielle |
Mathilde |
21 |
2 |
1980 |
|
Jean-Baptiste |
da |
Le Bouquin Lagabrielle |
Tobie |
11 |
6 |
2007 |
Jean-Baptiste et Mathilde |
|
daa |
Le Bouquin |
Anaëlle |
28 |
1 |
2009 |
Jean-Baptiste et Mathilde |
|
dab |
Le Bouquin Lagabrielle |
Silouane |
3 |
10 |
2011 |
Jean-Baptiste et Mathilde |
|
dab |
Le Bouquin Gourjux |
Benjamin |
28 |
12 |
1982 |
Yves et Janette |
|
db |
Philippe |
Clémence |
12 |
2 |
1987 |
|
Gautier |
dc |
Le Bouquin Gourjux |
Gautier |
17 |
12 |
1987 |
Yves et Janette |
|
dc |
le Bouquin |
Blandine |
16 |
12 |
1981 |
Yves et Janette |
|
de |
Le Bouquin |
Claire-Marie |
31 |
5 |
1985 |
Yves et Janette |
|
df |
Goyawe |
Théodule |
2 |
10 |
1986 |
|
Claire-Marie |
df |
Le Bouquin Gourjux |
Augustin |
4 |
3 |
1992 |
Yves et Janette |
|
dg |
Edeline |
Sylvianne |
28 |
5 |
1949 |
Yvette et Bernard |
Bertrand |
e |
Le Bouquin |
Bertrand |
27 |
4 |
1953 |
Geneviève et Henri |
|
e |
Le Bouquin Edeline |
Maud |
5 |
1 |
1977 |
Bertrand et Sylvianne |
|
ea |
Le Bouquin |
Salomé |
17 |
12 |
2001 |
Maud et Fabien |
|
eaa |
Le Bouquin Edeline |
Corentin |
9 |
6 |
1978 |
Bertrand et Sylvianne |
|
eb |
|
Ludivine |
18 |
5 |
1978 |
|
Corentin |
eb |
Le Bouquin |
Maïlo |
26 |
7 |
2011 |
Corentin et Ludivine |
|
eba |
Le Bouquin Edeline |
Irwann |
19 |
2 |
1981 |
Bertrand et Sylvianne |
|
ec |
|
Raquel |
4 |
1 |
1984 |
|
Irwann |
ec |
Le Bouquin |
Ganéah |
2 |
5 |
2008 |
Irwan et Raquel |
|
eca |
Le Bouquin |
Lonato |
14 |
9 |
2010 |
Irwan et Raquel |
|
ecb |
Le Bouquin |
Dyamie |
9 |
11 |
2006 |
Irwan et Raquel |
|